"Qu’est-ce que l’écologie du livre ? De quoi parle-t-on exactement en disant cela ? Toutes les problématiques de la chaîne du livre sont-elles solubles dans l’économie ? Quel est le rôle des librairies indépendantes au sein de cette chaîne ? Quelles alternatives portent-elles en germe ? Et pourquoi devient-il urgent de tenter de penser les choses, ensemble, autrement ?
Le métier de libraire, aussi noble que précaire, connaît depuis une quinzaine d’années des modifications si profondes qu’elles obligent à s’interroger sur sa pérennité et les transformations qu’il devra subir pour continuer à être viable. Une majeure partie des problèmes qui émergent au sein de la profession dépendent directement des conséquences sociales et environnementales de la chaîne du livre.
De ce point de vue, la question est avant tout politique — dans le sens noble du terme —, et il s’agit de réussir à penser collectivement l’avenir de ce qu’être libraire veut dire. Loin de tout catastrophisme, c’est la place de la profession au sein d’une société marchande en pleine restructuration (ou déstructuration, c’est selon) qu’il convient d’interroger.
Pourtant, dans un contexte général de dégradation des environnements (naturels, sociaux, économiques) que nous connaissons toutes et tous trop bien, le sentiment d’impuissance règne. Les logiques quotidiennes enferment, et faire collectif paraît plus difficile que jamais.
En parallèle, les pensées écologiques prennent une place de plus en plus importante dans de nombreux champs de nos vies (alimentation, énergie, transport, etc.) et remettent frontalement en cause la majorité de nos modes de fonctionnement. En cela, En cela, l’économie du livre n’est pas épargnée. Mais le livre, en même temps, n’est pas un objet comme les autres ; et dans la période trouble que nous traversons, il y a un impératif éthique à préserver la diffusion des livres et des idées transformatrices qu’ils portent en eux.
Nous nous sommes donc retrouvé.e.s à six libraires pour entamer un travail d’écriture, sous forme d’ateliers d’éco-fiction : autrement dit, imaginer ce que pourraient potentiellement être des librairies du futur dans des sociétés écologiques. Nous avons donc ouvert, six mois durant, un espace-temps de discussion et d’échanges au sein duquel nous avons pu croiser nos perspectives sur l’état des lieux de la chaîne du livre et sur l’essence de notre métier de libraire. Les différentes nouvelles que vous trouverez dans ce recueil en sont le résultat, et cherchent à montrer la diversité des chemins possibles, des risques qui menacent, et des désirs collectifs à réaliser.
Nous espérons une chose : que la lecture de ces éco-fictions suscite en chacun.e le questionnement et l’envie de débat — car si l’on peut envisager ce vers quoi nous souhaiterions tendre, encore va-t-il falloir maintenant tenter de lui donner vie.«